“Lumière sur…?” est une pièce de la compagnie sénégalaise ELM Production. Elle décortique et critique avec humour les travers, les paradoxes et les ratés des situations politiques mouvantes en Afrique.
“Lumière sur…?” a été présentée, mercredi 18 octobre, au Théâtre régional Abdelmalek Bouguermouh à Béjaia, à l’occasion du 12ème Festival international du théâtre de Béjaia (FITB). Ecrite et mise en scène par El hadji Malick Niang, la pièce est construite selon la technique du théâtre dans le théâtre. Une technique qui offre de la souplesse dans le traitement de plusieurs sujets contemporains. Des sujets sérieux.
Trois comédiens (Ibrahima Sarr, Sadio Bodian et Mar Sene) sont dans une salle de répétition et attendent la venue d’un metteur en scène. Sa chaise est laissée vide. “C’est une manière de dire qu’il ne faut attendre personne pour faire le travail, si on sait ce qu’on doit faire. Que le metteur en scène, le président ou le directeur soit là, chacun doit faire son travail”, a souligné El hadji Malick Niang.
Les trois comédiens, en répétition, jouent des rôles pour s’amuser parfois. Ils interprètent une scène de “Le médecin malgré lui de Molière”, puis une autre sur un détenu politique qui subit un interrogatoire policier, et une autre encore sur une femme “allumeuse” envoyée à un riche trafiquant, “un bandit d’honneur”, pour le piéger. “Seule la femme peut découper les hommes puissants, les dirigeants, les directeurs d’entreproses et les footballeurs, pièce par pièce”, dit la comédienne, suscitant une vive réaction dans la salle.
Catastrophes naturelles et coups d’Etat
Les comédiens continuent en jouant une scène d’un tribunal où un homme est jugé pour avoir exprimé ses opinions. Des extraits sonores de médias évoquent parfois ce qui se passe en Afrique comme si c’était une fatalité : catastrophes naturelles, rébellions, coups d’Etat, corruption, trafic d’armes, migration clandestine, sur les passe-droits…
D’un tableau à un autre, les transitions sont assurées par des danses inspirées de la célèbre émission télévisée au Sénégal “Oscar des vacances”. Sur scène, les comédiens changent de costumes pour changer de rôles. La scénographie est minimaliste avec une table, des chaises, des costumes et des petits accessoires. Le spectacle est construit pour être presque entièrement porté par les trois comédiens jouant en symbiose avec des dialogues vivaces, des expressions corporelles dynamiques et des mouvements incessants sur le plateau.
Une scène résume l’esprit de la pièce : deux hommes s’affrontent, chacun d’un côté, sur le chiffre 9 ou 6. La valeur du chiffre change d’un angle à un autre. “Quand on est au pouvoir, on est toujours d’accord. Quand on est dans l’opposition, on n’est pas d’accord. Et, on oublie le citoyen qui est au milieu. Un citoyen qui ne sait pas qui va croire, l’un ou l’autre”, a relevé le metteur en scène.
“Il faut prendre des initiatives”
“En Afrique, il y a des coups d’Etat, des injustices. La démocratie a tendance à disparaître. On s’est dit en tant que jeunes comédiens, que peut-on faire ? Nous ne disons pas qu’il faut faire comme ceci ou cela, mais et si nous faisions comme cela”, a-t-il ajouté.
Le texte de la pièce “Lumière sur…?” a été nourri par des extraits de poèmes et de pièces de Djibril Falémé Diallo, de Omar Dabo et de Molière. Le spectateur est invité à “remplir” les points de suspension, selon son niveau de compréhension.
“La pièce a été présentée une fois au Sénégal pour le moment. Nous pensons la rejouer. Il est compliqué d’aborder les questions politiques au théâtre sénégalais. Raison pour laquelle, cette pièce n’a pas bénéficié de subvention publique. Nous travaillons avec nos propres moyens”, a expliqué El hadji Malick Niang.Béjaïa est la deuxième date pour “Lumière sur…?” depuis sa création.
Le metteur en scène a précisé que la création théâtrale au Sénégal est soutenue par le ministère de la Culture, les ONG, les ambassades et les associations.
ELM Production, installée à Dakar, est une compagnie privée créée depuis cinq ans. “Il faut prendre des initiatives, créer, donner la chance aux autres pour qu’ils s’expriment. C’est notre but”, a conclu El hadji Malick Niang.