Rencontre avec le comédien Nabil Asli :”Aujourd’hui, pour faire rire les Algériens, la comédie doit être intelligente et subtile”

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Le comédien Nabil Asli est revenu sur scène, à la faveur de l’ouverture du 16ème Festival national du théâtre professionnel d’Alger (FNTP). Vendredi 22 décembre 2023, il était le maître de cérémonie dans un spectacle chorégraphique conçue par Riad Beroual. Le célèbre personnage “L’As” de la série sociale comique “El Batha”, diffusée durant le Ramadhan 2023 par Echourouk TV, était ravi de retrouver les planches et le public du Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi d’Alger (TNA). Rencontre.

24H Algérie: Parlez-nous de ce retour sur scène ?

Nabil Asli: Cela fait treize ans que je ne suis pas monté sur scène. Ma dernière distribution était dans la pièce “Nozha fi ghadab” (une promenade dans la colère) de Djamel Guermi. A l’époque, j’avais adapté deux textes de Fernando Arrabal (dramaturge espagnol) et de Eugène Ionesco (écrivain roumain). C’était ma dernière expérience au Théâtre national algérien (TNA).

Et pourquoi vous vous êtes éloignés du théâtre ?

Certaines conditions m’ont obligés à m’éloigner des planches. C’est peut être le destin. Je suis parti vers autre chose. J’avais d’autres ambitions.

Avez-vous rencontré des entraves pour ne pas continuer dans le théâtre ?

Peut être qu’à l’époque, nous demandions plus d’encouragement. L’équipe de la pièce “Nozha fi Ghadab” était formée de jeunes comédiens. Des jeunes qui avaient des rêves et des projets. Nous voulions tenter de nouvelles expériences. Nous voulions rester au TNA. Les conditions de l’époque ne nous permettaient pas de continuer au TNA, de réaliser justement nos rêves. Malheureusement, l’équipe a été dispersée. Chacun a pris un chemin différent, certains sont partis vers le cinéma, d’autres vers le théâtre, vers la télévision…Je pense que c’était une erreur. Franchement, cette erreur ne doit pas se répéter.

Cette génération a-t-elle été perdue ?

Je ne dirai pas qu’elle a été perdue, mais le théâtre n’a pas pu profiter d’elle sur le plan artistique. Et, elle-même, n’a pas profité du théâtre. En treize ans, par exemple, j’aurai pu faire beaucoup de choses au théâtre, jouer dans des pièces, écrire. J’aime bien écrire pour la scène, adapter des textes aux planches. En treize ans, j’ai fait d’autres travaux au cinéma et à la télévision. J’aurai pu faire plus au théâtre.

Des rêves brisés ?

Après le succès de “Nozha fi ghadab”, je voulais faire beaucoup de choses. Je rêvais que le spectacle fasse une tournée nationale, qu’il soit présenté à l’étranger. Je voulais m’engager dans d’autres spectacles. Je n’ai pas pu. Il était difficile de réaliser nos rêves. J’avoue que j’étais déçu. Avec le recul, je me dis que c’est peut être mieux comme cela, en analysant bien les choses.

Entre-temps, vous avez fait du stand up…

Oui, j’ai tenté l’expérience du stand up en 2008 et en 2009. Le texte a été écrit par Youcef Taouint (du Mouvement théâtral de Koléa, MTK). Mais, j’ai arrêté après. Je préfère le cinéma et d’autres styles au théâtre au stand up. Je me dis que je dois retourner au stand up, mais pas tout de suite. Je dois aussi penser à la manière de gérer ma carrière artistique. Et, parfois, j’agis au feeling. Je ne sens pas le besoin aujourd’hui de faire un stand up ou un one man show.

Actuellement, vous préparez la saison 2 de la série comique El Betha qui sera diffusée durant le Ramadhan 2024. Une série réalisée par Walid Bouchebah. Où en êtes-vous ?

J’ai écris avec Nassim Hadouche les saisons de “Dekious ou mekious”. Et avec Mohamed Bendaoud, nous avons écrit ensemble la première saison d’El Betha. Nous allons continuer sur la même lancée, proposer d’autres travaux pour la télévision, et pourquoi pas, pour le cinéma. Pour le théâtre, je dois avoir du temps.

Des surprises pour El Betha 2 ?

Il y a des nouveautés dans Le Betha 2, des surprises. Dès le premier épisode, les téléspectateurs vont découvrir beaucoup de choses. Des liens seront établis avec le dernier épisode de la précédente saison, ça ne sera pas un fil direct, mais un fil connecté ! Actuellement, je continue d’écrire avec Nassim Hadouche. Mohamed Bendaoud n’est pas avec nous cette année dans l’écriture, mais il aura un rôle dans la série.

Quand une série obtient un succès, quel est le défi pour ses créateurs de maintenir le même niveau ? Avouez que c’est une grande responsabilité…

C’est une question importante. J’essaie de résumer la réponse. Quand nous avons écrit El Betha 1, on s’est dit qu’il n’y aura pas de El Betha 2. Nous avons mis un point final à El Betha. Lors du tournage, on a discuté et on s’est dit que dans le cas où il y aurait El Betha 2, il fallait suivre une certaine idée. Après le succès de la série et ses vingt épisodes, beaucoup de critiques, de journalistes, d’amis, de téléspectateurs ont appelé à une suite d’El Betha 1. Malgré ces appels, nous avons pris notre temps pour réfléchir, au moins quarante jours après le Ramadhan. Nous avons pris du recul pour mieux voir les choses. Il fallait éviter l’ivresse du succès. Au contraire, il est important de refroidir ses élans. Après réflexion, nous avons décidé d’aller vers la saison 2 d’El Betha, en précisant, dès le départ, le début et la fin de la série et quelques détails.

Le scénario est déjà prêt…

Oui. Un scénario écrit pendant près de six mois. Walid Bouchebah réalisera la série. La même équipe est reconduite. Le producteur (Tarik Boudraa) reste le même. Il a toutes les qualités d’un producteur sérieux. Le secret de la réussite est justement lié à tous ces facteurs. Il faut que tout le monde partage les mêmes objectifs. Notre groupe croit bien au projet.

Comment trouvez-vous la comédie en Algérie actuellement ? Est-elle en phase avec la société ? Est-elle dépassée ?

Une question compliquée. Je ne peux pas répondre pour le théâtre car je n’assiste pas beaucoup aux spectacles actuels. Mais, le théâtre n’est pas très différent de la télévision ou du cinéma. Les arts sont liés entre eux. Il est connu que la comédie est un art difficile. Elle change d’une génération à une autre. Le langage évolue parce que la comédie s’adresse à l’esprit. L’esprit de la société, contrairement à l’émotion, change. Ce qui me fait rire peut ne pas susciter de réaction chez un jeune de 15 ou 20 ans. Il faut, chaque 15 ou 20 ans, un nouveau souffle et une autre vision pour la comédie. Il faut trouver un équilibre entre les générations. Aujourd’hui, pour faire rire les Algériens, la comédie doit avoir un sens, doit être intelligente et subtile. Les artistes sont tenus de travailler, à longueur d’année, pas uniquement durant le Ramadhan. Le public est intelligent, regarde ce qui se passe dans les plateformes mondiales de streaming et les chaînes de télévision et fait la comparaison. Ce  n’est plus le public d’hier qui ne regardait qu’une seule chaîne de télévision (Ex-RTA). Le public a donc changé, ce qui complique notre tâche.

Le choix est donc difficile…

La comédie de situation doit avoir un fond, un sujet. La comédie de caractère à l’ancienne n’est plus à la mode. Les gens ne rient plus en regardant un homme briser la vaisselle à cause de la nervosité liée au carême. Le public demande plus aujourd’hui. D’où probablement le succès d’El Batha, une comédie noire avec des sujets sérieux et profonds.  

Vous êtes distribués dans plusieurs films dont la sortie est prévue en 2024. Parlez-nous de ces nouvelles productions ?

C’est vrai. Il s’agit de quatre longs métrages. Le premier est “El mahata” (la gare) de Lotfi Bouchouchi où je joue le rôle d’un manipulateur. Le deuxième est un thriller de Chakib Taleb Bendiab, “196 mètres” où j’interprète le rôle d’un inspecteur de police. Le troisième film est “Meursault, contre-enquête” de Malek Bensmail, adapté du roman de Kamel Daoud. Je joue d’ailleurs le rôle de cet écrivain et journaliste. Dans ce film, Ahmed Benaïssa joue son dernier rôle. “Le premier rang” est le quatrième film de Merzak Allouache dans lequel je campe le personnage d’un plagiste. C’est une comédie.

Pour camper le personnage de Kamel Daoud, il fallait bien une préparation, non ?

Je connais déjà son roman “Meursault, contre-enquête” (paru en octobre 2013 aux éditions Barzakh à Alger). J’ai lu certaines de ses chroniques parues au Quotidien d’Oran. J’ai vu ses interviews. Donc, je connais bien son profil  avant qu’on me propose ce rôle. J’ai discuté avec Kamel Daoud pendant quatre ou cinq séances via Whatsapp. Je lui ai posé des questions sur lui, sur sa vie et sur sa manière de penser. Je me suis entendu avec Malek Bensmaïl pour qu’il n’ait pas d’imitation de l’écrivain. Dans l’interprétation, il s’agit de reproduire l’esprit et la pensée du personnage.

Vous étiez le maître de cérémonie lors de l’ouverture du 16ème Festival national du théâtre professionnel d’Alger, le vendredi 22 décembre 2023. Une première expérience ?

Oui, c’était une première. J’ai fait de l’animation à la télévision dans “Qahwet el gosto”, mais, sur scène, c’est nouveau pour moi. Le concepteur du spectacle (L’espace des étoiles), Riad Beroual et Djamel Garmi (actuel directeur artistique du TNA) m’ont contacté et m’ont proposé cette nouvelle expérience. Je me suis dit pourquoi pas. Si on m’avait proposé un rôle dans une pièce de théâtre, j’aurais pris le temps pour réfléchir sur les détails. Mais, là, c’était juste de l’animation avec un peu d’interprétation dans un spectacle de danse et de chant. Un spectacle riche en esthétique, en lumière, en musique, avec un texte. Cela m’a encouragé à tenter l’expérience.

Un décret présidentiel portant statut de l’artiste a été promulgué en octobre 2023. Un texte qui protège l’artiste algérien. Une réaction ?

Cet ancrage juridique est positif pour les artistes. C’est nouveau. Tous les précédents ministres de la Culture ont tenté d’adopter une loi sur le statut d’artiste. Donc, c’est un bon point pour l’actuelle ministre de la Culture et des Arts. Il faut peut-être communiquer plus sur les détails relatifs à ce texte pour que les artistes sachent bien ce qu’il contient avec précision. Maintenant, la reconnaissance pour l’artiste vient surtout du public. C’est le public qui accompagne et soutient les artistes. Aujourd’hui, l’Etat, à travers cette nouvelle loi, reconnaît l’artiste. Tant mieux. 


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