Hassoumi Massaoudou, ministre des Affaires étrangères du gouvernement du président nigérien Mohamed Bazoum, a rejeté l’initiative politique de l’Algérie de régler la crise dans le pays, après le coup d’Etat du 26 juillet 2023.
Soutenant activement une intervention militaire au Niger, décidée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao), Hassoumi Massoudou, établi à Paris, depuis le renversement du régime de Mohamed Bazoum, a critiqué la proposition faite par l’Algérie pour mettre fin à la crise politique au Niger, à travers une transition de six mois dirigée par une autorité civile.
“Même si c’est une transition d’un jour, cela équivaut à reconnaître le fait accompli du coup d’Etat. Donc, c’est bancal. Cette proposition n’est pas acceptable parce qu’elle acte le coup d’Etat. Donc, la Cédéao ne l’accepte pas. La Cédéao et l’ensemble de nos partenaires disent qu’il faut non seulement libérer le président Bazoum mais le rétablir dans son pouvoir. Personne n’acte le coup d’Etat”, a déclaré Hassoumi Massoudou, dans une interview à la chaîne France 24, diffusée ce dimanche 3 septembre.
La journaliste a rappelé que le président du Nigéria Bola Tinubu a évoqué, jeudi 31 août 2023, une transition de neuf mois au Niger pour mettre fin à la crise. Tinubu a cité l’exemple du Nigeria qui avait renoué avec un pouvoir civil en 1999 après une période de transition de neuf mois instituée par le général Abdulsalami Abubakar. Après la mort du général Sani Abacha, Abdulsalami Abubakar avait hérité d’un pouvoir militaire. « Le président ne voit pas de raison que cela ne puisse pas se reproduire au Niger, si les autorités militaires au Niger sont sincères », a rapporté un communiqué de la présidence nigériane, diffusé sur son site.
“La proposition de l’Algérie est mal venue”
Hassoumi Massoudou a décliné aussi cette proposition. “Non, le président Bola Tinubu s’exprime à travers son gouvernement. Son ministre des Affaires étrangères a fait une interview à l’agence ANSA (agence italienne) où il est très clair, en ligne avec les positions de la Cédéao. Donc, il n’y a pas ce hiatus au sein de la Cédéo. Tout le monde pense la même chose. Nos partenaires aujourd’hui pensent tous la même chose, demandent le rétablissement de Bazoum. Donc, la proposition de l’Algérie est mal venue et n’est pas considérée comme sérieuse”, a-t-il tranché.
Et d’ajouter : “au demeurant, l’Algérie ne fait pas partie de notre région. Elle fait partie du Maghreb, de l’Afrique du Nord”.
“L’Algérie partage 1000 km de frontières avec le Niger”, note la journaliste.
Réponse du ministre de Bazoum : “Cette frontière, c’est le Sahara. Le Niger est ancré dans la Cédéao par des accords. Nous avons un traité d’intégration au sein de la Cédéao ce que nous n’avons pas avec l’Algérie et le Maghreb. Il y a un pacte de convergence démocratique au sein de la Cédéao. La Cédéao veut être un espace démocratique. Elle considère que la norme de gouvernance doit être la démocratie, la légitimité par les urnes, pas par les armes”.
“Si la Cédéao était forte pour le Mali, on n’aurait pas eu le Burkina Faso et on n’aurait pas eu ces effets domino qui se sont multipliés. C’est pour cela que les chefs d’Etat de la Cédéao ont décidé de marquer un stop à ces phénomènes”, a-t-il ajouté.
Alger craint “des retombées désastreuses” d’une intervention militaire au Niger
Le Mali et le Burkina Faso ont connu des coups d’Etat militaires. Ces deux pays, membres de la Cédéao, sont hostiles à toute intervention militaire au Niger. Tout comme l’Algérie. “Notre refus d’une intervention militaire au Niger est lié aux retombées dangereuses et désastreuses d’une telle action sur toute la région. Une action qui ne pourra pas atteindre ses objectifs », a déclaré Ahmed Attaf, ministre des Affaires étrangères, le 29 août, lors d’une conférence de presse à Alger.
«L’Algérie a alerté ses partenaires en Afrique et dans le monde sur le danger d’une telle option, de celui de nourrir un conflit éthnique et de pousser des milliers de nigériens sur les routes de l’exil et de la migration. Il y a un danger de créer un nouveau conflit dans une région où sont présents le terrorisme et le crime organisé », a-t-il ajouté.
Hassoumi Massoudou a confirmé, dans une interview à LCI, une autre chaîne française, que la France va “appuyer militairement” la Cédéo en cas d’intervention ou Niger.
Selon lui, l’Union européenne pourrait aussi apporter “un soutien multiformes”. “Je pense que l’armée française sait ce qu’elle doit faire. Je pense qu’elle interviendra comme elle l’a dit en appui à la Cédéao. Il s’agit d’une intervention de la Cédéao appuyée par nos partenaires les plus engagés”, a-t-il annoncé.
Hassoumi Massoudou défend “la présence” des troupes françaises au Niger
Sur au autre chapitre, Hassoumi Massoudou a tenté de minimiser les manifestations qui se déroulent au Niger exigeant le départ des militaires français du pays. “Les populations nigériennes ne sont pas ces hordes fanatisées par la haine éthnique et raciale qu’on mobilise à Niamey. C’est une chorégraphie qui est connue mise en œuvre là où ce type de régimes arrive comme au Mali et au Burkina Faso. Ces manifestations sont limitées à Niamey. La junte n’arrive pas à mobiliser sur l’ensemble du territoire. Il s’agit de jeunes désoeuvrés, de chômeurs, de groupes fanatisés”, a-t-il déclaré, rejetant l’idée de l’existence d’un sentiment anti français au Niger.
Au plateau de LCI, le chef de la diplomatie de Mohamed Bazoum a tenu le même langage parlant de “manifestations commanditées, organisées et achetées”.
“Les troupes françaises sont là au titre d’un accord signé avec un gouvernement légitime et acté par un vote parlementaire. Par conséquent, les troupes partiront lorsque leur mission sera accomplie après accord avec un gouvernement légitime”, a-t-il affirmé à France24.