Nasser Bessalah, cinéaste franco-algérien : “Beaucoup de personnes issues de l’immigration n’arrivent plus à se reconnaître dans la France d’aujourd’hui”

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“Rentrons” est le premier court métrage du jeune cinéaste franco-algérien  Nasser Bessalah. Le film a été projeté lors des 18ème Rencontres cinématographiques de Béjaia (RCB) qui se déroulent jusqu’au 28 septembre 2023. Le film revient sur l’histoire de deux amis, Abdel (Zine eddine Benyache) et Nouria (Melha Bedia) qui reviennent de France en Algérie.


24H Algérie: “Rentrons” est votre premier court métrage. Comment avez-vous élaboré ce projet ?

Nasser Bessalah: “Rentrons” est mon premier film fait dans un circuit traditionnel avec des financements du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) et d’une chaîne de télévision. Le film a été acheté par France 2. Le financement du CNC était relatif à la diversité.

Est-il aisé d’avoir des financements en France pour ce genre de films ?

C’est assez compliqué. Il faut suivre une certaine  “politique artistique”. Ceux qui accordent les financements ont une manière particulière d’aborder l’écriture. On peut avoir le film en tête, mais il faut le poser par écrit et d’une manière précise en suivant certains codes. Et moi qui n’ai pas fait de formation dans le domaine du cinéma, c’était un peu difficile. J’ai participé à des ateliers de cinéma, pas fait d’école de cinéma. J’ai donc retroussé les manches pour défendre mon projet. Il existe un pôle de sélection au sein du CNC, donc, il s’agit d’une décision prise d’une manière collégiale. Il faut passer par plusieurs tours avant d’arriver à l’accord final de financement. A la fin de chaque tour, on me dit de faire des modifications. Cela peut prendre un an ou même trois ans.

Interviennent-ils directement sur le scénario ?

Oui. Ils font des suggestions. Ils en ont fait certaines pour le court métrage “Rentrons” que je n’ai pas voulu suivre. Cela ne ressemblait pas à mon film. Ils voulaient que les deux personnages principaux, Nouria et Abdel, vivent une histoire d’amour. Pour moi, c’était hors de question. Ce n’était pas le sujet central du film. Et quand, ils suggèrent une histoire d’amour, il faut s’imaginer tout ce qu’il y a derrière.

Votre film devait s’appeler à l’origine “Rentrons au pays”. Vous avez modifié le titre. Comment est née l’histoire de ce court métrage ?

J’ai changé le titre parce que “Rentrons au pays”, cela pouvait prêter à confusion puisque les deux personnages étaient en Algérie. Je voulais être plus abstrait dans le récit. Le scénario du film est né de plusieurs discussions avec des amis. La question était : pouvons-nous retourner vivre dans les pays d’origine de nos parents ? Nous avons réfléchi sur cette question. Beaucoup disaient que c’était facile, pour moi non. Ces personnes avaient une perception magnifiée de l’Algérie. J’ai donc pensé à raconter l’histoire de deux personnages qui se connaissent avant d’arriver en Algérie. Ils sont du même village…

Pourquoi est-il compliqué de retourner en Algérie ?

Le premier élément à prendre en tête, c’est la langue. Le problème de langue est montré à travers le personnage de Nouria (Melha Bedia). Elle ne parle ni arabe ni kabyle. Par conséquent, son intégration dans la société algérienne lui semble compliquée. Nouria n’a pas accepté le remariage de son père. Elle était volontaire pour venir vivre en Algérie mais finalement, une désillusion s’est installée chez elle. Elle pensait que Abdel pouvait l’aider à rentrer en France.

Mais, Abdel veut rester en Algérie…

En France, Abdel a subi une pression pour se marier. On ne voit pas son passé dans le film mais qu’on le devine à travers les dialogues. Il devait se marier avec une amie de sa cousine que sa mère lui a présentée. Abdel ne voulait pas de ce mariage provoquant la colère de sa mère. D’où sa fuite en Algérie. Au pays, il voulait construire quelque chose de nouveau.

Lors du débat qui a suivi la projection de votre film, à la cinémathèque de Béjaia, vous avez parlé de tout ce qu’il agite la France actuellement comme thématiques sur l’immigration, l’abbaya, la régularisation des migrants…Comment vivez-vous tout cela ?

Beaucoup de personnes issues de l’immigration n’arrivent plus à se reconnaître dans la France d’aujourd,’hui. On leur fait sentir cela, à travers plusieurs discours, sur la religion. Souvent, quand on parle d’islam en France, on vise directement les arabes, pas les noirs. Au début, cela peut être un ressenti, quelque chose de subjectif, mais on sent que cela découle de la colonisation. Il existe encore des plaies qui ne sont pas renfermées. On sent que les Maghrébins, notamment les Algériens, ne sont pas bien accueillis aujourd’hui en France. Aussi, existe-t-il aujourd’hui des replis communautaires. Des personnes se retournent de plus en plus vers la religion de leurs parents. Ils reviennent à des choses qui ne peuvent pas leur faire défaut, indispensables pour eux pour se construire. La République a failli dans la mission de relier les hommes entre eux, les personnes issues de l’immigation se retournent vers ce qu’ils connaissent ou vers qu’ils semblent connaître. Même sur le plan sémantique, les choses sont plus claires dans le discours politique et médiatique. On désigne “la loi contre le voile”, pas loi sur “les signes ostentatoires” de la religion.

Aussi, certains français d’origine étrangère pensent à quitter ce pays pour retourner au pays de leurs parents. C’est le cas notamment des marocains. J’ai l’impression qu’on est au début de ce mouvement de retour en Algérie. Il faudrait que toutes les conditions autour suivent, mais c’est moins prévisible.

Comment s’est fait le casting pour votre court métrage ?

Melha Bedia (sœur de l’acteur Ramzy Bedia) est une comédienne bien installée en France (Elle a joué dans une dizaine de longs métrages, le dernier est “Youssef Salem a du succès” de Baya Kasmi, sorti en 2023). Elle commence à évoluer à l’international. Zine-eddine Benyache est un comédien débutant avec j’ai travaillé et étudié en France. Par son comportement, j’ai vu qu’il ressemblait au personnage d’Abdel.  


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