Le projet de loi immigration a été adopté par le Sénat français ce mardi 14 novembre après des modifications qui facilitent les expulsions et durcissent les régularisations des immigrés. Mais le texte doit encore être examiné à l’Assemblée nationale française.
Première étape franchie pour le projet de loi immigration. Le texte proposé par le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin a été adopté par le Sénat, à 210 voix contre 115. L’annonce n’est pas une surprise, la chambre haute du Parlement ayant trouvé une solution au seul obstacle qui s’élevait contre l’adoption du projet : l’article 3 sur la régularisation des immigrés par le travail.
Mais sur ce point les Républicains ont obtenu gain de cause. Eux qui refusaient de voter le projet de loi immigration tant que l’article 3 était maintenu, ont réussi à supprimer le texte pour le remplacer par une version durcie. Résultat : la régularisation par le travail dans les métiers en tension sera possible, mais laissée à l’appréciation des préfets et appliquée de manière exceptionnelle et non systématique comme initialement prévu par le ministre.
Le projet de loi immigration qui penchait déjà vers la droite a été adopté dans une version plus dure. Mais Gérald Darmanin s’est dit satisfait de ce travail parlementaire évoquant un “texte co-construit” et “enrichi par le Sénat”. Mais ce n’est que le début du chemin, car le texte est désormais attendu à l’Assemblée nationale française où l’aile gauche de la majorité compte se battre pour rétablir la version originale de l’article 3. En face, les députés Républicains vont militer pour conserver la nouvelle écriture de l’article 3. En cas d’accord impossible, la solution d’un passage en force avec le 49.3 est toujours envisageable mais risquée. La droite a évoqué la possibilité de déposer une motion de censure si le 49.3 est utilisé, or ce texte serait capable d’être voté et de renverser le gouvernement. La loi immigration peut donc encore évoluer, que prévoit-elle pour le moment ? Quels étrangers pourraient être régularisés ou au contraire expulsés ?
Des procédures d’expulsions facilitées
Procéder à des expulsions plus facilement : c’est une des principales ambitions du projet de loi proposé. Gérald Darmanin veut pousser hors de France les immigrés délinquants, notamment ceux ayant été condamnés pour des délits ou des crimes punis de 10 ans d’emprisonnement, voire de 5 ans en cas de récidive.
D’autres étrangers, qui n’auraient pas commis de méfaits, mais représentant une “menace grave pour l’ordre public ou la sûreté de l’Etat” pourraient être menacés d’expulsion et expulsés plus facilement. Cela passerait notamment par une réduction des protections comme l’abolition de la protection de l’éloignement qui interdit pour l’heure d’expulser un individu entré sur le sol français avant l’âge de 13 ans. Darmanin souhaite que les étrangers qui “adhèrent à une idéologie djihadiste radicale” se voient retirer leur titre de séjour et puissent donc être expulsés après l’adoption de son projet de loi.
Les mesures d’expulsions pourraient aussi être facilitées par des délivrances d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) plus récurrentes à l’encontre des demandeurs d’asile. Le projet de loi prévoit qu’une OQTF soit prononcée dès le premier rejet d’une demande d’asile et avant que des recours aient pu être formulés. Ces OQTF, une fois délivrées, obligent l’individu à quitter la France par ses propres moyens sous un délai de 30 jours avant que l’expulsion ne soit, théoriquement, exécutée.
Des entrées limitées en France
Si le projet de loi immigration pense aux expulsions de certains étrangers, il prévoit aussi de durcir les critères permettant la délivrance de titres de séjours et donc de limiter la part d’immigrés régularisés en France. Cette limitation passerait par une réduction par trois des recours possibles pour les demandeurs d’asile qui verraient leur demande rejetée : ils ne pourraient utiliser que 4 recours contre 12 actuellement.
La commission des lois du Sénat français a procédé à quelques ajouts sur ce volet du projet de loi immigration : le durcissement des critères nécessaires au regroupement familial, avec notamment un renforcement des conditions de séjour et de ressources du demandeur, et l’instauration de “quotas en matière migratoire”. Cette dernière mesure offrirait au Parlement un droit de regard pour déterminer “le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France” par année.
Mais des immigrés régularisés par le travail
La plupart des mesures du projet de loi sont destinées à limiter le nombre d’immigrés régularisés en France ou à expulser les étrangers en situation irrégulière, mais quelques articles s’inscrivent dans le “volet intégration” des immigrés jugé indispensable par l’aile gauche de la majorité présidentielle. C’est le cas de l’article 3 qui après avoir fait l’objet de débat houleux va être maintenu mais sous une autre forme.
Le nouvel article 3 permettra de délivrer un titre de séjour aux immigrés en situation irrégulière mais travaillant dans des “métiers en tension”, – la liste des professions doit être actualisée mais compterait la restauration, le nettoyage, le BTP ou l’agriculture. Mais la délivrance ne sera pas automatique, elle ne pourra se faire qu’avec l’autorisation du préfet qui devra s’appuyer sur des critères pour évaluer la demande : “l’insertion sociale et familiale de l’étranger, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celles-ci”. Et le demandeur du titre ne pourra prétendre à cette mesure qu’en justifiant 12 mois de travail dans un emploi en tension, et non plus 8 au cours des deux dernières années, comme initialement prévu, pour être régularisé. Le même dispositif devrait être mis en place pour les demandes de titres de séjour “talent – professions médicales et de la pharmacie “émises par les étrangers diplômés et travaillant dans le domaine de la santé.
Ce principe de régularisation des étrangers par le travail reprend l’idée derrière la circulaire Valls et l’inscrit dans la loi. Selon Gérald Darmanin, cette mesure entrainerait la délivrance de 7 000 à 8 000 titres, soit plus ou moins l’équivalent de ce que permet la circulaire.