“La couleur dans les mains” de Nora Hamdi projeté à Saida :  Changer de nom, l’autre torture

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“La couleur dans les mains” de la franco-algérienne Nora Hamdi a été projeté, jeudi 14 septembre, en avant-première au 6ème Festival national de la littérature et du cinéma de la femme de Saïda qui se poursuit jusqu’au 17 septembre.

A Paris, Yasmine (Kenza Moumou), livreuse, quitte la maison de son oncle, située en banlieue, pour s’installer dans un studio. Elle veut faire de la peinture, tenter l’aventure d’une artiste voulant réaliser ses rêves, sans contraintes. Pour louer un studio, elle est forcée de changer son nom et prénom parce que l’un des propriétaires français de l’immeuble est allergique aux noms étrangers. Yasmine devient Janine.

Elle est perturbée par la contrainte de “cacher” son identité. Yasmine traîne déjà une douleur, celle de la perte de ses parents dans “un accident” en Algérie durant les années 1990. Son oncle ne veut rien dire sur cet épisode mystérieux. La tourmente est exprimée dans la peinture de Yasmine et les mots se retrouvent “éparpillés” dans les toiles dans la quête d’un sens. Yasmine porte le nom de parents  morts. Elle s’attache donc encore plus à cette filiation.

Elle visionne des vidéos sur l’autre toile pour découvrir les drames de l’Algérie des années 1990. Ses douleurs s’intensifient lorsqu’ elle ne trouve pas réponses à ses questions sur le sort réel de ses parents. Un dilemme pénible. Les silences dans le film évoquent ces questions restées en suspens.

Un art “libérateur”

Nora Hamdi s’est basée sur son propre roman portant le même titre pour réaliser un drame intimiste. Les plans sont serrés sur les personnages pour dénuder leur détresse. Yasmine trouve parfois le réconfort chez son ami Benoit (Marin Fabre), tout aussi “perdu” comme elle. Elle est appuyée par son cousin qu’elle considère comme un frère et par sa tante. Le rapport à la famille est souligné dans ce long métrage même si le contact entre Yasmine et son oncle est difficile.

“La couleur dans les mains” est aussi un film sur l’art et son impact sur les individus. Un art qui peut être parfois libérateur. Par le pinceau et la palette, Yasmine a tenté d’évacuer ses souffrances et d’apaiser ses peines.

“Il s’agit de mes débuts à Paris dans les années 1990. On m’avait demandé de changer de noms. C’était incompréhensible. J’avais l’impression de me sentir trahie. C’était une bataille dans ma tête. Il est arrivé la même chose à mon actrice, qui a vingt ans. Lorsqu’elle cherchait un appartement à Paris, on lui a demandé de changer son nom. A la limite, on lui disait que c’est pour son “intégration”. Je me suis dit que finalement rien n’a bougé en trente ans”, a déclaré Nora Hamdi, lors du débat qui a suivi la projection du film à la salle Douniazed. 

Un racisme décomplexé

Il existe, selon elle, un racisme décomplexé  en France; “Un racisme qui n’est pas choquant chez certains. Avant, on réagissait, on organisait des manifestations contre le racisme. Aujourd’hui, on ne bouge pas. Imposer le changement d’un nom à une personne d’origine étrangère est une forme de colonisation. On vous rappelle votre orgine. J’ai trouvé qu’il était important d’en parler dans le roman, puis dans le film. Il ne faut pas oublier mais il faut aussi avancer”, a-t-elle souligné.

“La couleur dans les mains” n’est pas encore sorti en France. Nora Hamdi a eu beaucoup de peine à trouver des financements pour son film “parce que le sujet ne plaisait pas”. Des producteurs ont dit à la réalisatrice que changer de nom pour une personne d’origine étrangère n’était pas aussi “grave” que cela.

“On m’a dit ce n’est pas grave de vous demander de changer de nom car il faut s’intégrer. Inutile d’en faire tout un plat. Pour moi, il s’agit d’une atteinte à mon identité. Un effacement. Comme si, on n’existait plus. Le nom, c’est important. C’est un héritage. Pour moi le nom est essentiel. Si on le change, on ne sait pas qui on est”, a confié Nora Hamdi.

“La couleur dans les mains”, sorti en 2011, est le troisième roman adapté au grand écran par Nora Hamdi, après “Des poupées et des anges” (2008) et “La maquisarde” (2020). Les trois romans sont inspirés de la vie de famille de la réalisatrice et de la romancière.

“Quand j’adapte un roman, je vais au coeur du sujet. Je fais également le deuil de certains passages du livre car on ne peut pas tout filmer. Il y a les mots et il y a le jeu des comédiens qui peut tout dire”, a-t-il dit. 


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