Les employés de la SPA El Watan entament leur huitième mois sans salaires. Ayant repris leur mouvement de grève depuis le 16 septembre dernier, après l’avoir suspendu un mois pour offrir une autre chance à l’employeur de proposer des solutions à la crise, les salariés voient leur calvaire durer bien au-delà de leurs prévisions les plus pessimistes et au-dessus de ce qui peut être supporté en terme économique et social : Après avoir vécu un mois de ramadhan et deux Aïds sans revenus, ils viennent de faire face à une rentrée scolaire qui a fini par achever de malmener financièrement et psychologiquement les moins vulnérables d’entre eux.
Pendant ce temps, l’employeur demeure incapable de saisir la gravité de la situation et de prendre concrètement ses responsabilités. Aucune perspective n’est aujourd’hui proposée aux travailleurs, en dehors de l’exigence insensée, voire indécente, de faire travailler des employés sans la garantie d’un salaire et sans l’engagement sérieux de pouvoir un jour honorer les impayés.
Le Syndicat d’entreprise autour duquel sont regroupés les salariés est de plus régulièrement accusé de chercher à tuer l’entreprise alors que celle-ci paye aujourd’hui des approximations manifestes en matière de gestion dont la direction de la SPA assume seule la responsabilité.
L’opacité et l’absence d’initiative continuent à être la règle concernant les choix et les options de la direction alors que la situation a atteint un seuil de pourrissement qui impose de reconnaître l’échec managérial et d’en tirer les conséquences. Le comble de la cécité et du mépris a été atteint il y a plus d’une semaine lorsque le premier responsable de l’entreprise s’est adressé aux salariés grévistes, rassemblés en un sit-in spontané, pour leur intimer l’ordre de dégager. Le « foutez-moi le camp d’ici !», lancé à la face des employés dont beaucoup ont passé plus de 25 ans de leur vie à faire le journal et à lui assurer la notoriété et le standing qu’il a acquis, reflète on ne peut plus clairement l’état d’esprit d’une direction décidément incapable de concevoir sa mission, en cette phase décisive, en dehors de la défense des intérêts des actionnaires.
C’est dans cet esprit d’ailleurs qu’est commis au quotidien ce coup de force consistant à faire paraître le journal sans la rédaction qui le fait tous les jours depuis au moins une vingtaine d’année et au mépris des textes qui codifient le droit de grève. On préfère ainsi faire sortir un quotidien à 90% alimenté par les dépêches d’agences de presse, en prenant le risque d’aggraver encore plus la santé financière de l’entreprise et d’entamer la crédibilité du journal construite au prix d’engagements assidus et de sacrifices consentis durant de longues années, plutôt que de se consacrer à dépasser l’impasse actuelle.
S’il fallait une autre démonstration de l’autisme et du déni dans lesquels se mure obstinément la direction de la SPA El Watan, la déclaration qu’elle vient de publier ce 09 octobre, à l’occasion du 32e anniversaire de la création du journal, est pour le moins éloquente. Le texte fait l’impasse sur le mouvement de protestation mené par les travailleurs depuis près de quatre mois et réserve l’exclusivité du mérite dans le parcours de la publication aux seuls « fondateurs ».
Les salariés d’El Watan auraient aimé célébrer ce 32e anniversaire dans d’autres circonstances autrement plus sereines que la grande désillusion qui les frappe. La majorité d’entre eux y ont fait leur carrière et sont en droit de revendiquer légitimement la part la plus importante, au moins moralement, dans les succès réalisés par le journal et la place de choix qu’il s’est fait dans le champ médiatique national. Ils se retrouvent aujourd’hui réduits à réclamer, depuis de longs mois, le plus élémentaire et le plus indiscutable des droits, celui de percevoir un salaire, auprès d’un employeur aussi dépassé par les événements qu’incapable de reconnaître aux salariés et à leur syndicat le droit à la protestation.
En dépit du viol du droit de grève et des nombreux actes d’intimidations et d’agression commis par l’employeur, les travailleurs de la SPA El Watan poursuivent toujours leur mouvement de grève, et ce, jusqu’au règlement total de tous leurs salaires impayés depuis mars 2022. Outre le mouvement de grève, les travailleurs, à travers leur syndicat, ont entrepris plusieurs actions selon ce que prévoit la loi, afin de recouvrer leur droit le plus élémentaire, à savoir le droit à une rémunération.