Roche-« Les dépenses publiques de santé ne sont pas un bon indicateur du système de santé d’un pays »
A indiqué le Professeur Mustapha Chelghoum, dans sa communication ’’les contrats innovants’’, lors de la 10e session de Media Training des Laboratoires Roche Algérie, organisée lundi 11 avril à l’hôtel Sofitel d’Algérie.
Et d’ajouter, pertinemment, que « les dépenses de santé n’affectent pas l’espérance de vie à long terme », et aussi que « la variable du nombre de lits d’hôpital, est non significative pour l’espérance de vie des femmes et le taux de mortalité infantile. »
Ces informations tiennent lieu de rappel aux gouvernements qui considèrent les bilans annuels relatifs aux dépenses de santé, présentées en hausse généralement, comme un indicateur de la bonne santé de leurs pays.
Pour l’exemple, en Algérie, selon les chiffres communiqués par Pr Mustapha Chelghoum, le revenu intermédiaire a été estimé, en 2019, à 4 306 dollars, alors que les dépenses de santé durant la même année ont atteint 9 851 de dollars, représentant 6,2% du Produit intérieur brut (PIB). Quant aux dépenses de santé par habitant, elles sont estimées à 158 dollars. En 2022, les dépenses de santé ont représenté 9% du budget global de l’Etat.
Généralement, les dépenses de santé sont alimentées à hauteur de plus de 65 % par le secteur public (Etat).
Le spécialiste en pharmaco-économise, recommande pour une meilleure maitrise des dépenses du système de santé, le plafonnement du budget dédié à la santé « administrativement et d’une manière centralisée », en identifiant les cibles suivantes : les hôpitaux, les offres des soins et dans la prise en charge des médicaments
Il a également mis en avant les outils pour y recourir. Outre ceux déjà développés, tels que ’’les mécanismes de régulation de la CNAS pour maitriser la demande en soins’’ et ’’la hiérarchisation des soins et le numerus clausus pour la maitrise de l’offre’’, le Pr Chelghoum propose d’autres outils non-encore développées, tels que la contractualisation, les Références Médicales Opposables (RMO) et les instruments de suivi médicalisé du patient.
L’accès aux soins : véritable indice de la ‘’bonne santé’’ d’un pays
« La situation du financement de la santé, ainsi que la non-maîtrise des dépenses de santé ont eu des répercussions négatives sur la qualité et la quantité des prestations fournies par le secteur public de santé en Algérie »
A rappelé le Pr Chelghoum , en ajoutant, sur la base de ce qui a été présenté, que l’efficacité d’un système de santé est lié, tient-il à y mettre le doigt, sur « la mortalité évitable avec un accès efficace et rapide à des soins »
Les avantages générés sont : augmenter l’âge moyen de 3,0 ans 2 776 dollars/année, un gain de 2 ans dans l’espérance de vie, et une diminution des dépenses d’hospitalisation pour troubles cardiovasculaires de 75%, et pour cancer de 23%.
Sur ce, l’intervenant met en exergue les étapes, bureaucratiques, de production des médicaments, sachant que ces derniers demeurent un rempart, scientifique et reconnu comme tel, contre la propagation de toute maladie ou son endiguement, et conséquemment, un contributeur à ‘’une mortalité évitable’’.
Tracasseries de la tri-tutélaire
L’existence de deux tutelles, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière (Msprh) et le ministère de l’Industrie pharmaceutique (Mip), chapeautant le processus du secteur du médicament en Algérie, est considérée comme « une double bureaucratie », selon l’animateur de cette 10e session.
Et de regretter que le système de santé en Algérie est soumis à la décision de 3 tutelles ! En outre des deux précédemment citées, il faut ajouter le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (Mtess). « Bureaucratie en plus, mais aussi tracasseries des chevauchement des prérogatives entre les trois tutelles. », précise Pr Chelghoum.
Disponibilité seulement de 4 médicaments sur les 19 enregistrés
Il a aussi, pour l’exemple, indiqué que sur les 19 produits médicaux enregistrés, il y a plus de 5 ans maintenant, 4 seulement sont disponibles. C’est dire que, nuança-t-il, « enregistrement ne rime pas souvent avec disponibilité du médicament. »
Et de préciser encore que sur 225 produits innovants, lancés entre 2016 et 2020, 19 seulement proviennent de l’Algérie contre 96 de la part des Emirats arabes unies (EAU).
Le retard dans la mise sur le marché des médicaments, a atteint, selon le pharmacien chef du CHU de Sidi Bel Abbes, ‘’le dépassement’’, « on est plus qu’en retard, on est dépassé », s’indigne-t-il, avant d’ajouter que « en témoignent que plusieurs protocoles thérapeutiques sont obsolètes, notamment, dans le volet oncologique.»
L’Algérie, est en retard de 8 ans en moyenne (et 5 ans depuis 2010) en matière d’arrivée sur le marché des médicaments.
Le Pr Chelghoum, a également déclaré que « ce n’est plus une problématique de médicament innovant mais une problématique de prise en charge. »
Il conclura en disant que « la transition épidémiologique est la suite logique du développement socio-économique d’un pays. », et que « l’innovation dans les technologies de santé devra être considéré du côté de l’efficacité de la prise en charge des patients et non pas du côté des dépenses engendrées. »
La santé du pays pâtit de cette situation (déclassement à l’échelle internationale), l’investisseur ou producteur dans le secteur du médicament (retard ou défaut d’accès au marché), mais surtout, c’est le patient, donc l’Humain, qui est le plus affecté, pas seulement par la mort, mais par la perte de chance en restant vivant.
A titre d’information, la 10e session de Media Training des Laboratoires Roche Algérie, a vu, pour la première fois, la participation, en présentiel, de journalistes exerçant à Algérie, et par visioconférence, de 5 journalistes exerçant dans les wilayas de Constantine, Jijel, Médéa, M’Sila et Annaba.
A propos du Pr Mustapha Chelghoum ?
Le Professeur Mustapha Chelghoum, est pharmacien chef au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Sidi Ben Abbes, et spécialiste en pharmaco-économie.
Il est titulaire du doctorat en sciences médicales de la Faculté de médecine de Sidi Bel Abbes, en cotutelle avec l’UFR Sciences de la santé de l’université de Bourgogne (France).
Actuellement, il enseigne la pharmacie hospitalière et gestion pharmaceutique au Département de pharmacie de Sidi Bel Abbes, et participe à l’enseignement du séminaire de méthodologie de recherche à la faculté de médecine de Sidi Bel Abbes.
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