Pas “d’autre choix” : Vladimir Poutine a annoncé être candidat pour un cinquième mandat à la présidentielle du 17 mars en Russie, sa réélection faisant peu de doute après près d’un quart de siècle au pouvoir et la répression de l’opposition.
Le chef de l’Etat russe, qu’une révision constitutionnelle de 2020 autorise à être candidat encore en 2024 et 2030, peut théoriquement se maintenir au Kremlin jusqu’en 2036, l’année de ses 84 ans.
“A une autre époque, j’ai eu d’autres pensées concernant cette question. Mais je comprends qu’aujourd’hui il n’y a pas d’autre choix possible. Je vais donc me présenter au poste de président de la Russie”, a déclaré l’intéressé, âgé de 71 ans.
M. Poutine s’exprimait au Kremlin à l’occasion d’un échange avec des combattants en uniforme, la mère d’un soldat tué en Ukraine, une médecin et un ouvrier d’une mine à qui il venait de remettre des décorations, pendant une cérémonie télévisée.
Fait inhabituel, l’annonce avait été faite aux médias russes quelques minutes plus tôt par un participant à cette réunion, Artiom Joga, un combattant et membre du Parlement local russe à Donetsk, une ville occupée de l’est de l’Ukraine.
“La candidature est chargée de symboles : des héros, des “pères du Donbass” (un territoire ukrainien revendiqué par Moscou, NDLR) veulent voir Poutine à nouveau président…. Poutine a choisi la guerre, la guerre choisit Poutine”, a commenté sur Telegram l’analyste Tatiana Stanovaïa.
“Il ne s’agit pas tant de prospérer que de survivre”, a-t-elle ajouté, estimant que cette annonce, se voulant informelle, visait à donner l’image d’un “Poutine modeste, occupé par (le règlement) de vraies questions”.
Posture favorable
Le président de la chambre basse du Parlement, Viatcheslav Volodine, a réagi sur Telegram en insistant sur les “qualités uniques” de Vladimir Poutine, tandis que pour son homologue à la chambre haute, Valentina Matvienko, le chef de l’Etat “ne fuira jamais ses responsabilités”.
Aucun détracteur du Kremlin ne devrait être en mesure de se présenter au scrutin, les autorités écrasant depuis des années l’opposition. Cette répression s’est accélérée avec l’offensive en Ukraine.
L’élection se déroulera du 15 au 17 mars, peu après le deuxième anniversaire du déclenchement de l’attaque contre l’Ukraine, toujours en cours, et à la veille du dixième anniversaire de l’annexion par la Russie, en 2014, d’un premier territoire ukrainien, la péninsule de Crimée.
L’élection aura d’ailleurs lieu dans les régions ukrainiennes occupées par la Russie, où la loi martiale est actuellement en vigueur.
Après une année 2022 marquée par des revers sur le front des combats et une volée de sanctions occidentales, Vladimir Poutine apparaît fin 2023 en meilleure posture avec l’échec de la contre-offensive entamée cet été par l’Ukraine, l’effritement du soutien européen et américain à Kiev et le redressement de l’économie nationale.
La quasi-totalité des opposants d’envergure, à l’exemple du militant anticorruption Alexeï Navalny, ont été jetés en prison ou poussés à l’exil.
Aucun concurrent
La Commission électorale russe a annoncé vendredi que le scrutin se déroulerait sur trois jours, une pratique instaurée pendant la pandémie de Covid-19 mais dénoncée par l’opposition comme étant un moyen de faciliter les fraudes et d’obtenir les résultats attendus par le pouvoir.
M. Poutine a été président de 2000 à 2008 et l’est de nouveau depuis 2012. Touché par la limite du nombre des mandats, il avait cédé le Kremlin de 2008 à 2012 à un allié, Dmitri Medvedev, mais était resté en tant que Premier ministre l’homme fort de la Russie.
Né en 1952 à Léningrad (redevenue Saint-Pétersbourg), il a d’abord eu une carrière d’agent du KGB, les services secrets soviétiques, notamment en Allemagne de l’Est, avant de rentrer en Russie à la dislocation de l’URSS.
Il a commencé son parcours politique à la mairie de Saint-Pétersbourg, avant de rapidement rejoindre le Kremlin et d’y gravir les échelons en cultivant l’image d’un homme efficace, en plein tumulte des années 1990 en Russie.
Désigné Premier ministre, puis succédant à Boris Eltsine après sa démission le 31 décembre 1999, Vladimir Poutine a progressivement redressé l’économie grâce à la manne des hydrocarbures et mis au pas son pays, en démontant les acquis démocratiques des années 1990 et prônant une politique de puissance nostalgique de l’URSS, de plus en plus conservatrice et anti-occidentale.
Il a livré ou soutenu quatre guerres depuis son arrivée au pouvoir : la seconde guerre de Tchétchénie (1999-2009), l’invasion d’une partie de la Géorgie (2008), l’intervention en Syrie (2015) et les attaques contre l’Ukraine, d’abord en 2014, puis en 2022.