Interview réalisée par Ourida Ait Ali
« Retour sur 50 ans de cardiologie » est la thématique du 26e Congrès International de la Société Algérienne de Cardiologie (SICA), qui s’est tenu du 24 au 26 novembre 2022, au Centre international de conférences Abdelatif-Rahal (CIC d’Alger), sous le haut patronage du Président Tebboune.
En marge de l’événement, nous avons saisi l’occasion d’interviewer Mohamed Tahar Bouafia, professeur en cardiologie au CHU de Blida et modérateur de la première séance de ce congrés. Il fera dans ce qui suit, sur notamment la situation des maladies cardiovasculaires dans notre pays qui tue plus que le cancer. Dans ce cadre, il appelle à la prévention à travers la lutte contre les facteurs de risques en particulier le tabagisme.
.Autour de quels thèmes, précisément s’est tenu le 26e congrès de la SICA ?
Professeur Mohamed Tahar Bouafia : les thèmes abordés par le congrès sont très intéressantes, d’un coté, classiques, tels que les maladies coronariennes, accident vasculaire cérébral ischémique, et d’un autre, des sujets jusque là négligés comme l’arythmologie mais également des nouveautés concernant le développement technologique et, aussi, un sujet d’actualités qu’est la cardiologie moderne.
Vous dites ‘‘cardiologie moderne’’ : s’agit-il de thérapies innovantes qui vont permettre la maitrise des maladies cardiovasculaires?
Je ne serai pas tout à fait dans le vrai si je vous disais que grâce aux thérapies innovantes les maladies cardiovasculaires pourraient être maitrisées à 100%, cependant nous sommes sur la bonne voie et actuellement nous pouvons aisément dire que nous réalisons environ 80% de ce qui se fait ailleurs dans les pays développés.
Les maladies cardiovasculaires prennent de l’ampleur, pourquoi ?
C’est un phénomène bien connu et on en parle toujours depuis des années, pas uniquement lors des congrès. A vrai dire, dans notre pays, nous sommes confrontés à un développement qui ce fait dans le mauvais sens. En effet, nous avons perdu tout ce qui était bon dans notre façon de vivre. Jadis, nous avions un régime méditerranéen qui est tout à fait bénéfique pour notre santé et maintenant nous nous sommes tournés vers une alimentation industrielle avec tous les dangers sur la santé que cela comporte. Ceci c’est le premier point. Le deuxième point à savoir, c’est le tabagisme qui est réellement un facteur délétère pour la santé cardio vasculaire.
Comme on n’est pas sans l’ignorer, maintenant, les gens fument de plus en plus. Les jeunes un peu plus. Le comble est que le tabac, qui plus est introduit illégalement en Algérie, est contrefait. Troisièmement, la sédentarité est un facteur de risque des maladies cardiovasculaires : les gens ne font pas d’activité physique malgré toutes les recommandations sur ses avantages d’une activité physique. Ce qui ne fait que cumuler de plus en plus les facteurs de risques sur eux.
En fait, nous perdons ainsi nos valeurs ancestrales garantes d’une vie saine en adoptant un comportement de pays développés souvent pauvre en qualité de vie, par exemple par la forte consommation d’aliments industriellement élaborés, engendrant par conséquent plus de facteurs de risques et le résultat est là, notre pays est à haut risque de ces maladies.
La mortalité liée aux maladies -vasculaires est elle importante dans notre pays ?
Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité en Algérie : elles tuent beaucoup plus que les cancers, alors que dans les pays développés cette mortalité due aux cardio-vasculaires a diminué. En outre et malheureusement les maladies cardiovasculaires touchent des sujets de plus en plus jeunes dont des femmes en âge de procréer.
Il y a comme un ‘’’revirement’’ de l’épidémiologie qu’on n’arrive pas encore à expliquer. Est-ce que c’est lié uniquement à ces facteurs de risques ou ya-t-il d’autres éléments qui interviendraient ? On ne le sait pas encore de manière certaine. Il y a des travaux de recherche en cours de réalisation et l’avenir nous le dira.
La prévention contre les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires nécessite-elle beaucoup de moyens ?
La prévention, c’est la lutte contre les facteurs de risque et cela nécessite que du bon sens et de l’implication de l’Etat pour une culture thérapeutique de la population.